L’Avare au Théâtre de l’Odéon, entre bouffonnerie et critique du capitalisme

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Molière est un classique de l’Odéon-Théâtre de l’Europe. Après le Misanthrope, Dom Juan et Tartuffe ces dernières années, c’est au tour de l’Avare d’avoir droit aux honneurs des planches de l’honorable théâtre parisien. Avec comme souvent une adaptation furieusement moderne, le texte est magnifiquement respecté et le metteur en scène s’amuse à brouiller les cartes avec des péripéties contextualisées dans un XXe siècle entre anarchie et capitalisme. Les aspirations des uns s’échouent sur l’intransigeance des autres, l’amour est sacrifié sur l’autel de l’argent pour une réflexion fascinante sur ce que la société occidentale n’a jamais cessé d’être depuis le XVIIe siècle, un petit théâtre de la médiocrité humaine où les puissants soumettent leurs semblables à leurs lubies anxiogènes sans faire attention pour leur sensibilité. Pourvu que l’argent pleuve, la marche du monde peut continuer. Mais gare dans le cas contraire.

Voici le teaser de l’Avare au Théâtre de l’Odéon

 

Notre critique de l’Avare

 

Un Harpagon plus bouffon qu’impressionnant

Une mise en scène fait souvent beaucoup pour la portée d’une pièce. Celle de Ludovic Lagarde a au suffisamment d’impact en octobre 2014 à la Comédie de Reims pour être reprise à l’Odéon pendant tout le mois de juin 2018. La scénographie d’Antoine Vasseur transforme l’habitat d’Harpagon en immense entrepôt pour figurer ses désirs d’accumulation et son activité de marchand. S’il entasse, c’est bien pour gagner toujours plus d’argent et augmenter toujours plus un magot qu’il cache comme dans la pièce originale dans le fond du jardin. Harpagon évolue ici sous les traits de Laurent Poitrenaux. Apparemment bouffon et physiquement bonhomme, il recèle en lui une cruauté sans limite pour ne jamais lâcher un kopeck et mener son petit monde à la baguette. Le comédien donne une belle ambivalence à son personnage, l’imprégnant parfois un peu trop d’une bouffonnerie qui fait plus se moquer de lui que le craindre.

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Un tyran domestique

Autour de lui, les autres personnages tentent tant bien que mal de ne pas subir ses foudres continuelles dans une sarabande de duplicité et d’esquives mêlées. Chrisèle Tual en Frozine, Julien Storini en la Flèche, Alexandre Pallu en Valère, Marion Barché en Mariane, Tom Politano en Cléante et Myrtille Bordier en Elise figurent des personnages comme issus du XXe siècle. Les femmes sont tatouées et leurs manières sont sans gêne. Les jeunes hommes portent des coiffures à la mode tels des minets décomplexés. Harpagon les malmène, verbalement et physiquement, entre deux boites de carton et quelques chariots élévateurs. Lui connait ses intérêts, et il est hors de question que ceux de ces proches s’imposent à lui. Laurent Poitrenaux vocifère et ne se ménage pas sur une scène comme changée en champ de bataille. Lui contre le reste du monde, c’est le parti pris du metteur en scène pour un impact boeuf sur le public.

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Conclusion

Cet Avare séduit le public par son sans-gêne mêlé de détermination froide. En capitaliste sans scrupules, il fait surtout rire ceux qui prennent du recul sur la futilité de ses actes. Mais il a vendu son âme, ce que la scène finale exprime très bien. Tel un Dr Faust, Harpagon n’est déjà plus de ce monde, enseveli sous des kilos d’argent pour qui il est prêt à sacrifier ses enfants, pourvu que l’argent ne manque pas. La métaphore est complète, l’Avare est prêt à rejoindre le monde des enfers.

L’Avare est joué à l’Odéon-Théâtre de L’europe, du mardi au samedi à 10h, le dimanche à 15h jusqu’au 30 juin. Plus d’information sur l’Avare sur le site du Théatre de l’Odéon.

 

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