Un Dom Juan apocalyptique sur la scène de l’Odéon

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L’adaptation du Dom Juan de Molière au Théâtre de l’Odéon subjugue et fascine autant qu’elle trouble et perturbe. Le plus célèbre texte du célèbre dramaturge mélange allègrement classicisme et modernité, respect du texte et incartades, moments de calme et de tempête. Porté par un surpuissant Nicolas Bouchaud, ce Festin de Pierre s’inscrit dans la glorieuse lignée de spectacle total auquel l’Odéon est habitué. Pour un moment de grâce et de confusion mêlés.

Une adaptation iconoclaste

On avait quitté Nicolas Bouchaud en Alceste furieux et atrabilaire dans la mise en scène du Misanthrope par déjà Jean-François Sivadier dans ce même Théâtre de l’Odéon. A croire que Molière ne cessera jamais de le fasciner, il y revient par la grande porte pour ouvrir la saison 2016/2017 dans un Dom Juan du même metteur en scène. Et s’il semble n’être toujours pas assagi, sa prestation mélange longues déclamations léchées et liberté avec le texte. A l’image d’une pièce souvent sortie des clous et finalement déconcertante. Le séducteur pathologique ne peut s’empêcher de tomber continuellement amoureux, s’attaquant autant aux personnages féminins de la pièce qu’aux naïades du public. Les premiers rangs sont comblés et l’audience se souviendra d’innocentes Justine et Judith attaquées tambour battant dès l’ébauche du spectacle. Sa vision du monde l’enjoint de conquérir tout ce qui porte jupon, quelque soient les écueils et les obstacles.

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Une perpétuelle tentation

Accompagné du fidèle Sganarelle en complice-témoin-victime d’un maitre inarrêtable et impénitent, Dom Juan voit son âme mise à nue par l’entremise d’un décor tour à tour majestueux et foutraque. Jeux de lumière et dispositifs mouvants voient pluie de plume et statues majestueuses alterner avec une somme d’accessoires virevoltants. Rarement la scène n’a-t-elle parue plus haute et plus profonde, comme cette âme que le destin tourmente en lui faisant multiplier les rencontres. Est-ce bien de sa faute si le ciel place constamment sur sa route d’insoutenables objets du désir. Certains y verront un satyre, d’autres une victime, son destin est tragique et sa fin ne pourra être que dramatique. Le décor tournoie avec la même énergie qu’un personnage autant tiraillé que le sont ces immenses draps de tissus relevés et rabaissés tout au long de la pièce. La scène semble comme saccagée quand se clôture le spectacle dans un volute de fumée. Le héros a été châtié par le commandeur, son outrecuidante faconde est punie et rien ne reste de sa dépouille. 

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Des partis pris surprenants

Des interprètes jeunes et dynamiques accompagnent le duo de héros dans un délire savamment orchestré mais pas toujours du meilleur gout. C’est ainsi cette longue digression sur un duo de paysans bretons qui discourent longuement au risque de faire sortir le public de la pièce. Le parti pris du metteur en scène privilégie la liberté et la quasi improvisation tant la acteur semblent évoluer en liberté, ce que prouvent les accompagnements musicaux. A côté de l’attendu Requiem de Mozart et d’un extrait de Rossini, c’est Nicolas Bouchaud qui interprète le Sexual Healing de Marvin Gaye avec la même fougue que lorsqu’il dansait sur les Clash à l’époque du Misanthrope. Une impression d’apocalypse entoure une pièce qui bouscule les certitudes et la troupe resserrée de 6 comédiens sur scène n’y est pas pour rien. L’énergie déployée est considérable et au diapason de la folie du texte. On aperçoit notamment Maria Vialle aperçue dans Ivanov dans cette même salle en 2015 et Vincent Guédon également échappé du Misanthrope. Aucun ne se ménage dans un moment de théâtre éprouvant et cathartique. 

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Conclusion

Un Dom Juan extravagant et résolu envoute l’audience sur la scène du Théâtre de l’Odéon. Et s’il déroute parfois, il fascine surtout et emmène tout le monde dans sa folle sarabande. Le spectacle en devient épidermique et nul ne peut s’empêcher d’applaudir à tout rompre au bout de 2H30 de spectacle total. 

Infos: http://www.theatre-odeon.eu/fr/2016-2017/spectacles/dom-juan

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