Les Palmiers Sauvages ou l’amour estropié

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Le Théâtre de l’Odéon présente une pièce éprouvante aux Ateliers Berthier. Ces Palmiers Sauvages sont retors et exténuants tant les deux héros peinent à capter l’instant présent pour vivre pleinement leur passion, se projetant constamment dans des difficultés énigmatiques et paralysantes. La mise en scène cataclysmique confirme le gout de Séverine Chavrier pour le tumulte et la confusion, créant cependant difficilement un lien avec les spectateurs.

Les Palmiers Sauvages – la critique

Séverine Chavrier mettait en scène récemment Nous sommes repus mais pas repentis aux mêmes Ateliers Berthier avec déjà Laurent Papot en individu tourmenté et azimuté. Et la question se pose dès les premières minutes: les deux pièces ne sont-elles pas redondantes? Mêmes lits pliants, même étagère, même tourne disque, mêmes images projetées sur des écrans, même référence à Wagner, Les Palmiers Sauvages ne sont ni une suite ni une variation mais un copié collé scénique. L’amour entre deux êtres remplace les tourments familiaux pour un même moment de théâtre puissant mais hélas plus déconcertant du tout. Or, il semble que ce soit un des objectifs de la metteuse en scène. Décontenancer, bousculer, agresser le spectateur. Mieux vaut donc voir ces Palmiers Sauvages sans avoir assisté à la pièce précédente sous peine de passer un long moment à tenter d’identifier les ressemblances…

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Cette adaptation de Faulkner reprend l’intrigue d’une des deux fictions de l’ouvrage avec une concentration sur la relation amoureuse et non plus seulement sur le héros. Harry Wilbourne est dépeint par l’auteur comme un individu sans envergure officiant comme interne dans un hôpital de La Nouvelle Orléans. Il s’échappe avec Charlotte Rittenmeyer, femme mariée et indocile. Se dirigeant vers Chicago puis le Wisconsin, ils voient leurs liens passionnés s’altérer tandis qu’Harry se complait à pousser le couple vers le bas. Roman de l’amour périssable, Les Palmiers Sauvages prend les atours d’une pièce outrancière. La passion des débuts est tout autant excessive que la déréliction finale. La scène d’abord proprette se transforme en capharnaüm tout du long comme une allégorie poétique des tourments intérieurs croissants. L’amour et la violence font un couple complexe, jusqu’au drame final.

Les 2 comédiens ne reculent devant aucune exagération, s’exhibant outrageusement et donnant le ton de la pièce. Le nu frontal a souvent comme effet pervers d’amoindrir la portée poétique d’un texte, livrant en pâture les comédiens aux yeux surpris de l’audience tout en privant cette dernière des attraits de l’imagination. Et c’est tout le propos. Les Palmiers Sauvages ne se concentrent pas sur le texte mais sur une performance, rendant les efforts poussifs tant ils s’enchainent sans discontinuer. L’abus de surenchère affaiblit les finalités théâtrales, finissant par lasser. Point de vue éminemment subjectif tant j’ai été ébloui par les ambitions de Nous sommes repus mais pas repentis. Nul doute qu’une découverte des ces Palmiers Sauvages sans le prisme déformant de la prestation antérieure puisse ravir le plus grand nombre.

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Séverine Chavrier apparait dans le fond de la salle installée à son piano pour égrener des notes mélancoliques. Là aussi une redite de la pièce adaptée de Déjeuner chez Wittgenstein de Thomas Bernhard. Les personnages sont d’abord comme électrocutés l’un par l’autre, la scène s’éclaire de flashs électriques, les moments d’obscurité laissent percevoir cris et chuchotements. Le couple maudit se tourmente, passe de la passion nourricière à l’impossibilité du vivre ensemble. A trop voyager comme des oiseaux migrateurs, il s’assèche pareil à des palmiers sauvages. Pour se flétrir et s’angoisser comme deux enfants abandonnés ou Adam et Eve chassés de l’Eden. Si les premières scènes se déroulent essentiellement dans des lits, la longue descente les voit plus souvent s’asseoir et s’affronter. Les liens sont coupés entre les corps et les acteurs quittent la scène par intervalles comme pour se libérer de la pression toxique de l’amour déçu.

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Conclusion

L’ambition scénique se heurte à une forme de complaisance formelle nébuleuse. Ce théâtre augmenté avec effets visuels, films, musique et destruction du décor trouve sa limite quand la narration peine à toucher le public. Les acteurs se retrouvent comme dans une cage, livrés au regard curieux mais distant des spectateurs. La folie ne vaut que si elle est partagée, au risque d’amuser au lieu d’interpeller.

Informations:
Lien Internet: http://www.theatre-odeon.eu/fr/2015-2016/spectacles/les-palmiers-sauvages
Du 3 au 25 juin aux Ateliers Berthier
Certaines scènes de ce spectacle peuvent heurter la sensibilité des plus jeunes, il est déconseillé aux moins de 16 ans

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