Les Damnés à la Comédie Française, quand le cinéma prend le pas sur le théâtre

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Le célébrissime film de Luchino Visconti, Les Damnés, est porté à la scène par un Ivo van Hove omniprésent et dont le nom est sur toutes les lèvres. Après un récent et acclamé Vu du Pont à l’Odéon, le metteur en scène belge s’attaque à l’oeuvre désenchantée du réalisateur italien sur fond de montée du nazisme et de collusion des familles industrielles avec le régime. Loin de se contenter d’un parti pris purement théâtral, Ivo van Hove augmente le spectacle d’images d’archives et de cameramen sur scène pour du théâtre filmé qui brouille les pistes.

La critique de Les Damnés à la Comédie Française

La pièce phare de la saison théâtrale

La pièce s’ouvre sur les préparatifs des personnages liés à la famille Essenbeck en prévision de l’anniversaire du patriarche Joachim. Les protagonistes sont décrits en quelques lignes qui orientent les spectateurs quant à leurs intentions. La riche famille de sidérurgistes n’est pas dénuée d’intrigues et de drames et le large écran disposé à l’arrière de la scène indique de qui il faut se méfier. Le gratin du Français est de la partie. Les superstars Denis Podalydès et Guillaume Gallienne sont accompagnées d’Elsa Lepoivre, Eric Genovese, Didier Sandre et Christophe Montenez pour une pléthorique distribution de 26 comédiens sur scène. L’avènement du nazisme dans l’Allemagne nazie de 1933 s’accompagne d’un délitement des liens familiaux au profit d’intérêts particuliers qui ne s’encombrent pas de candeur, ni filiale ni fraternelle. Assassinats, sacrifices et règlements de compte s’enchainent pendant 2h15 de spectacle total. Les descriptions préliminaires donnent le ton, les faciès sont tourmentés, menaçants ou désabusés. Le massacre peut commencer.

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Un mélange déroutant entre théâtre et cinéma

La pièce de théâtre n’en est pas foncièrement une. Les caméras omniprésentes sur scène captent des images projetées simultanément sur l’écran du fond, donnant plus envie de les regarder que les comédiens sur scène. Comme si le cadre théâtral était trop exigu pour l’ampleur de ce drame bourgeois, comme si le metteur en scène ne parvenait pas à se détacher du film de Visconti et de cette tutelle cinématographique. Le théâtre en pâtit largement surtout quand l’écran projette des images filmées antérieurement et juxtaposées aux scènes qui se jouent. La vérité de l’instant est dégradée par un procédé entre fausseté et artifice. C’est cette scène d’élimination des SA par les SS où deux personnages sur scène sont multipliés par 10 sur l’écran pour une impression de mystification. Même intenses et déterminés, les comédiens sont noyés dans une fresque qui les dépasse formellement. Et la propension du metteur en scène à les déshabiller constamment donne des faux airs de voyeurisme à l’ensemble.

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Un scandale gratuit à Avignon

Si les Damnés ont marqué la saison du Festival d’Avignon, ce n’est pas uniquement pour de bonnes raisons. A en juger par ce mitraillage final (factice) de l’audience, c’est même parfois de très mauvais gout. Même sorti de son contexte actuel forcément chargé en émotions, ce broyage de quatrième mur fait sortir une fois de plus les comédiens de leur contexte théâtral pour tenter de se rapprocher du public dans un procédé parfois à la limite du nauséabond. Les luttes intestines entre partisans et contempteurs du nazisme donnent lieu à des altercations incessantes et répétitives et, bizarrement, dénuées d’effets pour maintenir l’attention. Les désaccords s’enchainent avec leur lot de victimes sacrificielles. Opposants, SA, tous sont éliminés sur l’autel de la raison d’état.

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Mon avis sur Les Damnés à la Comédie Française

Impatient d’enfin voir la pièce, j’ai été surpris de ce mélange théâtre/cinéma qui dilue l’impact des comédiens au profit d’artifices filmés qui montrent l’emprise de l’oeuvre de Visconti sur l’esprit créatif d’Ivo van Hove. Reste maintenant à revoir le film de Visconti pour une comparaison à bâtons rompus.

Plus d’info sur le site de la Comédie Française.

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1 COMMENTAIRE

  1. Le projet d’Ivo van Hove était ambitieux à plus d’un titre : le passage d’une histoire de cinéma au théâtre, la peinture d’une grande fresque familiale, le traitement d’un sujet désormais classique mais toujours pénétré d’inconnu. Le résultat est magistral.

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