Dé-Connectez-vous

deconnectez vous

Aux heures longues et incertaines que nous vivons, confinés et cloitrés que nous sommes, ce titre pourrait passer pour de la provocation. Et pourtant, c’est l’occasion choisie par l’auteur pour écrire un article sur un sujet qui lui trotte en tête depuis des mois car il est plus que jamais d’actualité.

Le « 10 years challenge » a fait le buzz, il y a quelques mois, lors de cette époque encore insouciante où nous rigolions de nos têtes de notre précédente décennie prises avec nos premiers smartphones sans connaître le nom de ce virus ; cette époque qui ne laissait rien présager de celle que nous vivons actuellement qui marquera durement et durablement l’Histoire (une de ces histoires que l’on racontera à nos petits-enfants). Vous vous souvenez ?

Mais au-delà de ce challenge, souvenez-vous, souvenons-nous ensemble, pensons plus loin et remémorons-nous cette époque où les écrans ne faisaient pas autant partie de nos vies et n’encombraient ni nos poches ni nos mains, quand ils n’étaient pas si chronophages. Nous échangions quelques textos, consultions de temps en temps nos emails, mais ce n’était pas aussi (sur)prenant qu’aujourd’hui. J’ai eu mon premier IPhone (un 3) quand je vivais en Allemagne au moment où j’écrivais ma thèse, ce qui fut pour moi une révolution qui m’a marqué après des années d’increvables Nokia ; et progressivement les modèles se sont enchainés et améliorés au gré des générations, avec pour point commun d’encombrer mes poches et d’accaparer – chaque fois un peu plus – de mon temps. Pour autant, et sans faire de placement de produits (en ont-ils besoin ?), je suis resté fidèle à la marque à la pomme croquée.

Et si je me permets aujourd’hui de pondre un tel article, c’est parce que j’ai été aussi la victime de ces écrans en m’engouffrant dans leur piège sans trop m’en rendre compte. Je suivais la mouvance, comme tous après tout. Vous noterez que j’utilise la première forme du singulier, le « je », alors que je me refuse à le faire, à quelques légères exceptions près sur quelques lignes, dans mes précédents articles. Disons que pour mieux exprimer ma pensée, il est apparu que c’est la forme d’expression la plus efficace. Donc, « je ». Et donc, pour en revenir à moi et mon IPhone 3, les études finies, les années en cabinets les yeux désespérément rivés sur divers écrans de toute taille des heures durant, plusieurs pages sur plusieurs sujets ouverts, ont eu raison de ma patience et même d’un peu de ma santé car, travaillant comme ceci, j’enchainai les sujets et encombrai mon esprit.

Et c’est un jour que j’ai commencé (ce ne fut pas soudain, du moins pas du jour au lendemain) à comprendre que je n’utilisais pas cette extraordinaire technologie et ses avantages à bon escient. Quand un confrère a gagné un procès contre son cabinet pour ne pas avoir répondu à un mail urgent tombé en pleine nuit qui a donné lieu à cette jurisprudence (2014) puis à cette Loi (2017) du « droit à la déconnexion ».

Le nom est particulièrement bien trouvé car, au-delà des répercussions professionnelles pas seulement dans mon milieu, il fait écho à nos vies. Et c’est ainsi, progressivement, que je me suis déconnecté sans lâcher mes écrans. Je veux dire par là que, un jour dans une semaine, puis deux, puis trois et je compte passer à quatre, j’ai cessé d’utiliser cette extraordinaire technologie à autre chose que l’essentiel. Et l’essentiel, du moins pour moi, se définie par la consultation de mes mails pros (pour affronter les urgences qui sont le cœur de mon métier et une des raisons de mon amour pour ce dernier) et perso (là aussi, prenant et pas le droit de complètement se déconnecter).

Le reste : EXIT.

Le reste, c’est tous les sites et toutes les applis que vous jugerez dispensables, voire inutiles. Il vous suffit de les lister, même mentalement. Pour ma part c’est tous les sites où j’aime encore me balader et me perdre (Men’s Health, Allocine, AutoMoto, GQ, GM, et pleins d’autres). Alors, je ne dis pas que je ne les consulte plus, mais durant ces jours déconnectés je m’en abstiens. Et croyez que cela (me) fait beaucoup de bien, le reste est propre à chacun. Car, surtout, quand vous revenez dessus les jours connectés, c’est comme si vous preniez de la distance et ne lisiez que ce qui vous tient à cœur. Ce faisant, votre esprit ne sélectionne que l’essentiel dans ce flux gargantuesque d’informations et se permet de zapper ce qu’il ne considère plus comme important, chose qu’il n’aurait pas faite avant. Votre cerveau souffle, vous aussi.

Certains exercent cette pratique avec encore plus d’assiduité. Jared Leto, dernier exemple des plus marquants, se fait régulièrement des retraites, coupé du monde, et sa dernière a de quoi faire rire (si la situation n’était pas si grave) car il en est revenu sans savoir les mesures prises contre le Corona Virus. Plus fictionnel, dans la dernière saison de Black Mirror, à l’épisode Smitherrens, le personnage de Topher Grace prend régulièrement ce qu’il appelle des « detox technologiques », dans un cabanon perdu dans le désert de l’Utah où il va méditer, loin de son métier de fondateur et PDG d’un réseau social et appli à succès et où ses employés ont interdiction de le déranger. Un joli comble, le PDG qui fuit son cœur de métier.

Mais un comble intelligent. Un jour déconnecté, téléphone non pas coupé mais hors de la portée de votre attention, vous permet de souffler. Déjà, vous vous sentez plus libéré, plus léger. Vous êtes joignable mais dispensable.

D’ailleurs, ceux qui achètent un téléphone mais pas un smartphone, se refusant à plus de technologies sauf l’essentiel d’un téléphone qui est de téléphoner, ont compris ce que nous voulions dire.

Ha, un dernier mot. Par deux fois en haut de cet article, j’ai utilisé l’adjective « extraordinaire » pour qualifier cette technologie qui fait partie de nos vies. Qui même, en quelques années, s’est engouffrée dans ces dernières. On peut certes dire qu’elle a changé nos vies, c’est même le moins que l’on puisse dire, en bien comme en mal. Je préfère voir le bien. Pour avoir vécu, comme beaucoup de nos lecteurs, l’époque où le téléphone coutait cher et que nos parents hurlaient de raccrocher, le magnétoscope et les encombrantes VHS, les quatre, cinq chaines de télévision, les pays étrangers qui nous paraissaient des univers si loin et si différents… Je préfère cette époque actuelle où je peux travailler de chez moi – surtout en cette période, vous imaginez bien –, regarder avec mes proches pléthores de films à la portée de ma télécommande et de ma tablette grâce à la sphère Internet, avoir accès à des centaines de chaines, et téléphoner & tchater avec mes amis du monde entier sans que cela ne me coûte plus cher. Cette extraordinaire technologie a rapproché les peuples et les cultures d’une façon qui nous paraissait utopique il y a encore quinze ans – souvenez-vous en, surtout de comment s’était avant –, et rien que pour cette raison elle mérite notre respect.

Nous vivons une époque fabuleuse, extraordinaire pour reprendre nos mots. C’est juste qu’il faut profiter de ce qu’elle offre de positif et prendre garde à ce qu’elle apporte, a contrario, de négatif. On appelle cela l’adaptation. Une caractéristique que nous, homo sapiens, maitrisons – nous n’en serions pas là, sinon. Dans ce cas précis, il s’agit de profiter des avantages de cette extraordinaire technologie sans trop en abuser, que ses bienfaits ne se muent pas en méfaits.

Alors, pour ceux qui en sentent le besoin même en période de confinement, juste un jour pour voir, et pour résumer le cœur de cet article : DÉCONNECTEZ-VOUS.

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