Martin Scorsese investit la Cinémathèque Française jusqu’au 14 février à travers une exposition réunissant rien de moins que les archives de Martin, de Robert de Niro et du réalisateur de Taxi Driver Paul Schrader. Tout pour mieux appréhender le génial réalisateur américain. Qui est-il? Quelles sont ses influences? Quels sont les thèmes principaux ressassés sans trêve dans son oeuvre? Les axes d’analyse sont multipliés et permettent de mieux cerner son incommensurable influence sur le cinéma contemporain. Martin Scorsese a certes gagné la Palme d’Or en 1976 avec Taxi Driver mais il est bien plus que cela. La preuve.
L’exposition Martin Scorsese
La Cinémathèque Française met régulièrement le focus sur des réalisateurs marquants de l’histoire du cinéma. Ma visite de l’exposition consacrée au travail de Stanley Kubrick m’avait monopolisé trois bonnes heures, le temps de me concentrer sur chaque microparticule de bobine ou de costume. Chaque photo regardée en profondeur, chaque extrait visionné trois fois, chaque texte décortiqué avec application et concentration, j’en étais ressorti extatique et comblé. Erudit en matière de Kubrick, j’avais été conquis par cette expérience quasi anthropologique. Rebelote avec l’exposition consacrée au réalisateur radical Pier Paolo Pasolini. Pasolini est bien plus qu’un réalisateur de films et l’exposition permettait de toucher sa pensée et de comprendre son influence sur ses contemporains. Sa radicalité pointait dans chaque extrait, chaque écrit, chaque photo. Un rêve d’exposition. Le focus sur Jacques Demy était plus ludique et moins ambitieux mais néanmoins sympathique. Ma collaboratrice était ravie de pouvoir contempler la robe couleur de soleil portée par Catherine Deneuve dans Peau d’Âne.
J’attendais rien de moins que l’inattendu en me dirigeant métro Bercy. Assistance clairsemée à la Cinémathèque en ces temps troublés mais chaque participant avait l’oeil de l’amateur éclairé désireux de creuser le sillon Scorsese. La promesse d’une plongée en eau profonde est tenue avec une masse impressionnante d’informations. Le voyage commence avec un focus familial. Issus de l’immigration sicilienne vers les Etats-Unis, les ascendants du petit Martin s’installent dans Little Italy, en plein coeur de Manhattan. J’apprends d’ailleurs la signification du nom de famille Scorsese, mais je vous laisse la surprise… Orienté très tôt vers des études de cinéma, Scorsese deviendra un des réalisateurs les plus connus au monde. Le thème de la famille ne cessera d’apparaitre dans ses films, comme un hommage ininterrompu à sa famille et un éternel rappel à ses valeurs italiennes.
Les différents longs métrages de Scorsese sont abordés de manière fragmentée. Ses films ou périodes cinématographiques ne sont pas segmentés mais abordés selon des thématiques. La fratrie, New York, les femmes, Hitchcock, des extraits signifiants mettent en lumière les multiples thématiques du réalisateur. La mise en regard d’extraits de différents films permet de mieux rendre compte des obsessions de Martin Scorsese. Une bonne centaine de photographies capte des instants précieux de tournage. Les acteurs se révèlent sous un jour intime, en pleine préparation ou au repos entre deux scènes. Et toujours Martin, avec barbe, grisonnant ou glabre, et toujours souriant. Son sourire est le vrai fil rouge d’une exposition qui met en exergue son travail de réalisateur. Son exigence légendaire, ses incessants rappels vers les grands films du passé, son gout du détail, tout transparait dans un parcours captivant.
Peu de films qui ne sont pas abordés. Même les moins connus Cape Fearcou La derrière tentation du Christ ont droit à leur place. La période initiale entre Who’s that knocking at my door, Mean Streets, Taxi Driver, New York New York, La valse des Pantins et Raging Bull met Robert de Niro sur le devant de la scène. Acteur incontournable de la carrière de Scorsese, il apparait encore et encore. Les deux grands films de mafia Les Affranchis et Casino devraient prendre de place mais on les perçoit clairement. Puis vient la période Léo, peut être moins creusée. Très peu d’extraits du Loup de Wall Street, des Infiltrés ou de Shutter Island. On quitte la période « classique » de Scorsese et il faudra un peu de temps pour agir du recul et percevoir la vraie valeur des films récents de Scorsese. Taxi Driver aura 40 l’année prochaine, on comprend mieux son rôle central dans le cinéma contemporain.
L’exposition est consacrée à Martin, mais j’attendais des apartés spécifiques consacrés aux grands acteurs de son aventure. Robert de Niro, Harvey Keitel et Léonardo diCaprio apparaissent 36 fois sans qu’un focus particulier ne permette de comprendre les liens entre eux et Martin, ainsi que leurs évolutions dans l’univers du maitre. De même, il manque un grain de folie pour faire décoller le promeneur que je suis au détour d’une photographie. Le taxi de Travis Bickle manque à l’exposition, un bout d’avion d’Howard Hugues également. L’exposition est bien sage et ne sort pas des clous. La partie musicale fait entendre Bob Dylan et les Rolling Stones, seul moment vraiment Rock’nRoll de l’exposition. Un extrait de Georges Harrison n’aurait pas dépareillé, ainsi qu’un extrait du concert de The Band dans The Last Waltz. Bonne pioche en tout cas de rappeler que Martin est aussi un fan frénétique de musique et que son oeuvre est parsemée de documentaires ou de concerts captés sur le vif.
Quant aux périodes d’addiction à la coco, l’exposition jette un voile pudique sur ces souvenirs douloureux. Ce qui, en ce qui me concerne, permettrait tout de même d’expliquer le rythme frénétique des films de Martin. Des montages périlleux, des voix off à la mitraillette, des plans ambitieux, toute l’oeuvre de Scorsese est marquée du sceau de l’énergie. Que l’on repense à la scène de Steadycam dans Les Affranchis ou à la première demi-heure de Casino, un tel débordement d’énergie a influencé des générations de réalisateurs. A commencer par le David Fincher de The Social Network ou de Fight Club. Je ne peux plus regarder un film de mafia sans le comparer aux films de Scorsese, véritable mètre étalon de tous les films de gangster. Le récent Strictly Criminel en est d’ailleurs un peu loin… Quant à la place de Léo dans l’oeuvre de Martin, elle est devenue centrale et a éclipsé un Bob de Niro pas vu depuis longtemps. Si Léo est devenu l’acteur le plus coté du monde, c’est aussi grâce à Scorsese… un prochain Oscar pour son rôle dans Les Revenants d’Inarritu? Les paris sont lancés…
Vous savez ce qu’il vous reste à faire. Prévoir un petit week-end sur Paname, réserver sur Internet votre ticket, venir visiter l’exposition Martin Scorsese et acheter le magnifique album souvenir de l’exposition à la sortie. Fans confirmés du cinéma de Scorsese ou curieux désireux d’en savoir plus, vous ne serez pas déçu par l’expérience. Une exposition incontournable qui vous attend!
Informations:
Exposition Martin Scorsese à la Cinémathèque Française du 14 octobre au 14 février
Horaires: http://www.cinematheque.fr/cycle/martin-scorsese-l-exposition-58.html
Emplacement: 51 rue de Bercy 75012 Paris
Métros: ligne 6 et 14