[Test & Avis] Kiplay Vintage: 
De paires de jeans en fils d’aiguille

test avis KIPLAY VINTAGE

L’écologie, un mot qui s’inscrit partout et pour à peu près tout. Un mot qui se greffe, dans la réflexion collective, à l’automobile, à l’architecture, à l’alimentaire… mais plus rarement à l’habillement. Pourtant, se dire écolo passe par tous les domaines, y compris vos achats de vêtements. Car vous auriez tort de penser que donner vos pièces usagées à des associations, dans des bornes Relais par exemple, pour qu’elles soient données ou recyclées suffit. D’un parce que même resservi, un vêtement finit toujours par vite s’user tant sa durée de vie est limitée, et de deux qu’un vêtement ne se recycle pas facilement. Quand on pense écolo en termes d’habillement, on doit penser « à la source », c’est à dire en faisant dès le départ un achat dit « responsable ». Responsable de quoi ? Responsable de se dire :

  • de quoi et comment est faite cette jolie pièce sur lequel je craque ?
  • d’où vient-elle?

Responsable donc de penser à l’origine du vêtement plutôt qu’à sa destinée, à la marque que vous achèterez, au magasin dans lequel vous vous le procurerez plutôt que la borne Relais dans laquelle vous le destinerez in fine.

L’achat responsable, c’est d’une part privilégier les matières recyclées et/ou facilement recyclables, c’est penser à ne pas dépenser pour des pièces même moins cher qui s’useront et se jetteront plus vite mais à contrario oser mettre (parfois juste un peu) plus cher pour des pièces qui dureront des mois, des années au lieu de quelques semaines et quelques lavages.

C’est d’autre part, comme pour les fruits et légumes, acheter local. Un vêtement moins cher a de fortes chances d’être produit par une main d’œuvre jeune (voire mineure) et également moins cher à l’autre bout du monde. En plus de la valeur humanitaire et l’éthique de travail, pensez aussi aux litres de fuel et à l’empreinte carbone pour rapatrier cette pièce dans ce magasin en bas de chez vous.

Partant de ce qui précède, nous autres Gentlemen Moderne ont décidé de mettre en lumière des marques répondant à ces critères écolos d’achat responsable. Des marques avec une vraie et belle éthique, choisies par nos soins après une étude comparative. Voilà quelques semaines, nous vous présentions quelques jolis vêtements de La Gentle Factory, puis des chaussures de Jules & Jenn. Voilà, pour le troisième article de notre série, Kiplay Vintage.

KIPLAY VINTAGE

« S’affranchir des grandes marques »

Les grandes sagas familiales, sur fonds de commerce et sur plusieurs générations, sont parmi les plus inspirantes autant qu’elles sont captivantes. Du moins pour nous, et c’est un plaisir que de vous présenter aujourd’hui Kiplay Vintage. KIPLAY qui est au jean ce qu’est Steenfort à la bière, Ford à l’automobile, Vuitton à la maroquinerie… L’histoire d’une famille derrière une industrie, et le passage répété d’un flambeau passionné entre les parents et leurs enfants. 

Rencontrés eux aussi dans les allées du Salon du Made in France en novembre dernier, comme ce fut le cas de Jules & Jenn lors d’un précédent article, le stand de Kiplay Vintage présentait de beaux jeans à la maille brillante dont la qualité se remarquait par un simple regard d’experts. Et en comparaison aux autres stands de marques françaises proposant des jeans, KIPLAY se démarquait et ce n’était pas (seulement) grâce à son flipper qui nous tapait dans l’œil. Avec ce bois et ces piles de belles pièces en jean, sur étals et sur présentoirs, le stand faisait penser à un magasin Levi’s à la grande et belle époque de cette marque longtemps emblématique, longtemps référence, mais aujourd’hui et – à nos yeux – déchue et dépassée. Tout cet ensemble, de vêtements et leurs présentations, de style et d’état d’esprit, titillait l’auteur de cet article et son amour pour le vintage chic aux codes d’hipsters.

Puis, première et bonne impression faite, nous avons engagé la discussion qui s’est poursuivie jusqu’à aujourd’hui, par la rédaction de ce présent article, avec le père et fils héritiers de cette marque. 

Petite histoire de la marque

C’est en 1921 à Saint-Pierre d’Entremont, bourgade normande, que commence notre histoire. Émilie et Marcel se marient, fondent un foyer et une société la même année : LETARD DEGASNE, un nom qui est la combinaison des leurs. Un mariage de fille de marchand de tissus et concepteur de vêtements avec un fils de fabriquant de galoches ne pouvait donner naissance qu’à une société de vêtements, pas vrai ? Ce sera une société de fabrication de vêtements de travail, robustes et inusables. La marque KIPLAY est déposée onze après.

L’Histoire avec un grand H croise celle de KIPLAY dès 1940, par la Guerre que tout le monde connait. Marcel fuit sa Normandie et l’Occupation pour monter un atelier au sud de la Loire afin de produire pour l’armée française, se refusant de le faire pour l’occupant allemand. Bravant le couvre-feu, il attache des tissus aux fenêtres de l’atelier pour, la nuit tombée afin de cacher les lumières, fabriquer en toute clandestinité des parachutes pour les alliés. Un acte de résistance avec les risques que l’on sait.

Puis l’Histoire d’après-guerre se poursuit, et celle de KIPLAY avec. Hubert Pradal se marie avec la fille d’Émilie et de Marcel et reprend le flambeau, en devenant directeur de l’entreprise, puis PDG. L’entreprise compte, dans le milieu des années cinquante, 350 collaborateurs.

Années 80, chocs pétroliers et crises à gogo. KIPLAY, contrairement à énormément de leurs concurrents du milieu de l’habillement, résiste aux phénomènes de mondialisation et à la tentation de délocaliser à l’étranger où la main-d’œuvre est moins cher. Mais là où ils refusent d’économiser, il le paye humainement et au prix fort en supprimant des centaines de postes. « Une période sombre pour l’entreprise », selon les mots de celle-ci. Mais, toujours humainement, l’entreprise n’aura au moins pas perdu la face en préférant se sacrifier avec le sacrifice de ses employés, plutôt qu’augmenter sa production et son chiffre d’affaire au détriment de ses troupes. Et refuser quarante ans avant le mouvement du produire moins cher et plus polluant ailleurs, que dénonce aujourd’hui Gentleman Moderne, quand certains de leurs concurrents reviennent aujourd’hui produire au pays après l’avoir fui, ne fait-il pas de KIPLAY des précurseurs ? Peut-être. Ou plus simplement, et c’est tout à leur honneur, une entreprise et une famille qui n’ont pas renoncé à leurs valeurs.

Puis le fils, Marc, rentre reprend à son tour le flambeau, à titre d’attaché commercial puis PDG à la place d’Hubert, son père, qui part en retraite. Aidé par sa femme Corinne, puis depuis quelques années par leurs trois enfants, Clément, Gérault et Romane. Aujourd’hui, KIPLAY est la seule entreprise française à produire ses jeans dans ses propres ateliers, avec un savoir-faire normand – plus que français, ils en ont fiers. Les valeurs de KIPLAY reprennent celles de Gentleman Moderne : « Le made in France, ce n’est pas un effet de mode. C’est une vraie prise de conscience. C’est s’affranchir des grandes marques qui produisent très loin et dans de mauvaises conditions ».

test avis kiplay vintage usine KIPLAY

Le flambeau est passé, une fois de plus, et la quatrième génération des enfants Pradal gère l’usine et l’héritage de leur aïeux. Comme les modes ne sont qu’un éternel recommencement, que c’est dans les vieux pots que l’on fait les meilleures confitures, que rien ne se perd ni ne se crée et que tout se transforme (vous avez compris où nous voulions en venir, n’insistons-pas), KIPLAY propose à la ville certaines pièces, initialement conçues pour le travail et produites par leurs ateliers dès 1921, sur base de moleskine et tissu chevron, cousues et ravaudées à la machine et à la main avec les patronages de l’époque. Reprendre l’ancien pour en faire du neuf, un principe intelligent du vintage.

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Dans le cadre de la Fashion Week de 2020 il y a quelques jours, Marc, devenu en plus président de l’Union française des industries mode et habillement, a été reçu par le couple Macron à l’Élysée. Un invité au même titre que Jean-Paul Gaultier, Naomi Campbell, Anna Wintour, Inès de La Fressange… et autres invités de même renom. Une place parmi les grands, à moins que le descendant de ces normands ne fasse partie (toute proportion gardée) de ces grands de ce monde, mais sans avoir bougé de Saint-Pierre d’Entremont hormis les années de Guerre, là où la marque est née et là où elle fêtera l’année prochaine sa centième année.

Nos tests de produits

Veste Gaspard Moleskine Bleu Destroy Ravaudée


Cette veste est le symbole d’une certaine élégance issue d’un autre temps, des mines et des usines, portée par des ouvriers et des artisans qui n’avaient que faire d’être élégants mais ignoraient qu’ils l’étaient à leur manière et à leur dépend. Ils ne se doutaient pas que la veste qu’ils enfileraient tous les jours perdurerait, leur survivrait mais dans une autre finalité. Ou peut-être est-ce l’action du temps qui fait que cette veste Gaspard, fabriquée par les mêmes usines KIPLAY voilà près de cent ans, avec les mêmes patrons et suivant les mêmes techniques de conception, a acquis ses lettres de noblesse. Il est vrai qu’une certaine industrie outre-Atlantique a entre-temps popularisé le denim au travers de ses westerns, de ses icônes bad boys à la veste bleu métallisé comme James Dean ou plus récemment Brad Pitt dans le magistral Once upon a time in Hollywood de Maitre Tarantino. Le bad boy, le badass dont on reprend les éléments vestimentaires tant ceux-ci se respectent ; après tout, ils n’offensent aucune norme, ils sont bien taillés, bien finis avec des matières nobles et résistantes et, accordés à d’autres éléments non moins élégants, cela vous donne un vrai côté fringuant.

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Vous l’aurez compris, cette veste denim Gaspard est notre coup de cœur, depuis que nous l’avions repérée lors du Salon du Made in France. L’essayer, c’est l’adopter comme elle vous adopte en vous tombant directement sur les épaules, sculptant celles-ci, épousant votre stature sans l’enfermer, le bout des manches ne dépassant par le poignet… La coupe est droite et parfaite. La maille 100% coton est douce et légère sans être fragile, car ferme et souple comme il faut, et son bleu destroy ravaudé s’assortit avec pléthores d’autres couleurs.

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(Bonne) Impression générale faite, passons aux détails. Peu de choses à dire, si ce n’est que cette impression de sérieux est confirmée. Par exemple sur les surpiqures dont nous remarquerons qu’elles sont fines et régulières, on imagine donc que la personne qui les a (minutieusement) faites à la machine à pris le temps de la finition, et sur le renforcement bas au niveau du pli pour lester sans charger. Une poche intérieure droite, et à gauche un texte présentant ce vêtement et son histoire. Nous restons sobres, à l’image de ce dit vêtement.

test avis kiplay vintage veste surpiqures

Alors ? Alors une parfaite veste de mi-saison qui s’enfilera aussi bien sur une chemise qu’un t-shirt, qu’un polo ou qu’un pull à col roulé. Nous vous laissons élargir à votre guise le champ des possibilités. C’est ce que nous aimons chez Gentleman Moderne, le mélange des genres si ceux-ci sont bien accordés, l’universalité des pièces qui s’adaptent à tout type de styles, et c’est donc ce nous apprécions avec la veste Gaspard : qu’elle se mélange et s’accorde facilement avec le reste de votre garde-robe, au point d’en être une incontournable au sein de cette même garde-robe.

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Habituellement habitué à porter du L, l’auteur et son mètre 90 vous conseille la taille au-dessus pour plus de confort, pour ne pas paraître trop engoncé et pour un port plus cintré, gardant à l’esprit qu’il s’agit d’un vêtement qui s’enfile par-dessus d’autres vêtements.

La gamme de vestes Gaspard de chez KIPLAY va de 169 à 219 € (le prix de notre modèle). Des prix dans la moyenne de ceux appliqués par les confrères de KIPLAY proposant dans leurs collections ce même genre de modèle (Dao, Bonne Gueule…). En soit, un rapport qualité-prix plus que correct surtout quand on sait, quand on est assuré, que cette veste est faite à la main, en Normandie, par un savoir-faire vieux d’un siècle. Et c’est sûrement ce petit plus, chauvins que nous sommes, qui explique notre coup-de cœur. 

Jean Dean Selvedge

Quand nous avons eu en tête cette série d’articles, nous pensions plus particulièrement aux pièces que tout Gentleman se doit d’avoir dans sa garde-robe… Mensonge que d’appeler cela « garde-robe » car la robe ne fait pas partie de ces pièces, mais là n’est point le sujet… Nous disions donc… Ha oui, les pièces iconiques. Le jean en fait bien évidemment partie et, pour tout vous dire, c’est le vêtement que nous avions en tête quand l’idée de parler des marques écolos-responsables, moins connues mais plus méritantes, a traversé les pensées de la rédaction. Le jean étant l’exemple, puis d’autres ont suivi.

test avis kiplay vintage jean 1

Car un beau jean se met beaucoup, s’accorde avec tout, tant qu’il est de qualité. Il se porte presque tous les jours, s’use donc plus rapidement, tout en étant – scandaleusement – un vêtement parmi les plus polluants à fabriquer et parmi les plus difficiles à recycler. L’acheter n’est pas se louper. Pour en avoir parlé, KIPLAY et nous-même sommes d’accord sur la vie d’un jean, plus précisément sur chacune des étapes de la vie d’un jean, c’est à dire :

  1. son achat
  2. son port pour une tenue plus habillée
  3. sa deuxième vie quand il n’est plus si neuf, plus si net, qu’il montre quelques signes d’usure, pour une tenue plus décontractée
  4. sa troisième vie quand on l’utilise pour des activités plus salissantes ou tout simplement pour rester peinard à la maison et ne rien demander à personne sauf à Netflix, avachi sur le canapé
  5. son recyclage

Là où les marques se différencient, c’est sur la différence de temps entre ces cinq étapes. Les meilleures marques, vous l’aurez compris, seront celles qui feront durer le plus longtemps possible ces cinq étapes. Le plus mauvaises, celles à éviter, seront celles qui expédieront ces cinq étapes en quelques mois, parfois même (nous tairons les noms) en moins d’une année.

test avis kiplay vintage jean 2

Et ces marques, toutes ces marques, à force d’investigation menée par la rédaction, d’études et de comparatifs, c’est peu de dire qu’elles sont nombreuses ! L’offre proposée sur le marché est gigantesque, c’est surréaliste le nombre de marques dédiées au jean ou proposant des jeans dans leurs collections ! Pourquoi choisir ce jean Dean de chez KIPLAY plus que ces autres ? Car, comme écrit en introduction de cet article, les piles de jean dans leur stand du Salon du Made in France, à côté de leur flipper vintage, faisaient qu’ils se démarquaient, et que notre coup d’œil (pompeusement qualifié plus haut « d’expert ») a fait qu’on s’est arrêté pour ne pas toucher qu’avec les yeux – comme on le répète à nos enfants – mais avec notre doigté non moins expérimenté (on s’en jette, des fleurs !).

Quelques semaines après lors du test de ce selvedge, force est de constater qu’à défaut d’avoir touché à leur flipper (une prochaine fois), nous avons trouvé une de nos marques de jeans préférées. Non mais vraiment…

test avis kiplay vintage fabrication jean machine

Parce que beaucoup de marques proposent des jeans, et que tous ces jeans se ressemblent, autant ne pas les faire se confondre. Et là où la veste Gaspard restait sobre, le jean fourmille de délicieux petits détails. Certes, il y a sous l’écusson en cuir le petit drapeau français pour rappeler sa fabrication Made in France. Mais surtout, il y a la carte de Normandie cousue à l’intérieur de la poche droite avec, géolocalisée, l’usine KIPLAY. Il y a aussi la doublure blanche et rouge au niveau de la poche gauche, qui s’accorde avec le bleu du jean, pour rappeler sans trop forcer les couleurs de notre belle patrie. Et, détail déjà vu mais qui personnalise votre jean, les rivets gravés de la marque.

test avis kiplay vintage jean carte Normandie

Pour un test plus complet, nous ne nous sommes pas contentés d’enfiler le jean mais l’avons porté deux journées. La maille est épaisse, un brin trop rigide, les premiers mouvements ne sont donc pas des plus confortables et une simple flexion-extension pour détendre les fils est difficile. Le jean ne s’adaptera donc pas de suite à vos cuisses, jambettes et votre fessier, mais ne vous en faites surtout pas une mauvaise impression. Bien au contraire, car c’est tout le contraire : une maille épaisse est une maille plus résistante dans le temps et aux milliers, millions de mouvements que vous ferez avec. D’ailleurs, après quelques heures, notre bas de corps avait fait corps – façon de parler – avec son jean, ce dernier s’étant détendu avec notre bas de silhouette et avait épousé cette dernière. Et nous ne doutons pas que ces deux-là vivront heureux et longtemps, notamment la deuxième et la plus importante des cinq étapes expliquées plus haut.

test avis kiplay vintage jean étiquette

D’ailleurs, assorti d’une chemise Atelier NA et d’une veste Yves Saint Laurent (c’était un jour de travail important, de négociations de gros contrats avec de grosses pointes), nous l’avons trouvé très élégant et se confondant particulièrement bien à cet ensemble chic.

Quant au prix, de 159€, nous trouvons que ce jean le vaut largement même si vous vous direz qu’il y a moins cher. Il y a toujours moins cher, comme il y a toujours plus cher. Comme il y a également toujours mieux et toujours pire. Avec ce jean KIPLAY, on évite le moins cher, le plus cher et le pire. C’est déjà beaucoup. Il nous reste le mieux, et indubitablement KIPLAY VINTAGE s’en rapproche. 

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