Tale of Tales ou la cruauté malsaine et fascinante des contes du Moyen-âge

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Le film de Matteo Garrone est reparti bredouille du festival de Cannes à l’image de l’intégralité de la délégation italienne. Injustice? Nous verrons bien. Adaptation d’un vieux recueil de contes napolitains, Tale of Tales fait revivre les images d’Epinal de notre enfance. Rois et reines, sorcières et géants, magies et maléfices. Volontairement cru et impitoyable, ce ToT envoute, bouscule et dérange. Mais la cruauté est l’apanage des récits allégoriques et fantastiques du Moyen-Age, faire peur aux petits faisait partie d’une éducation cadrée et disciplinante. D’autres temps où l’éducation était bien différente… une autre époque. ToT fait donc un peu daté, voire kitsch, mais ne peut pas laisser indifférent. Le parti pris est ambitieux, le sentiment final est proche de l’admiration. Réussir à surmonter toutes les embuches du film relève de l’exploit. ToT mérite donc d’être salué pour ce qu’il est: un grand film métaphorique.

3 royaumes imaginaires avec 3 rois qui se côtoient en bonne intelligence. Le premier est un libertin, le second rêve ardemment que sa femme puisse enfin enfanter, le troisième voue une admiration étrange pour les insectes. Tous sont au départ de récits fantasmatiques où sortilèges et coups du sort causeront joies et chagrins.

Tale_of_TalesParti pris radical du réalisateur italien qui colle au plus près des contes de Giambattista Basile. Les contes ultra connus de Charles Perrault, Andersen ou des frères Grimm trouvent leurs racines dans l’obscurité épaisse des récits foisonnants du conteur napolitain. Une réalité fantastique prend vie dans une irréalité métaphorique. Les traits sont appuyés au très gros feutre pour souligner l’orgueil et la démesure de personnages perdus dans des existences fantasmées. Les sorcières et monstres n’existent pas? Oui, certes, mais en les faisant revivre, le réalisateur souligne les vices et turpitudes d’individus coupés du réel et perdus dans leurs travers. Car tous les récits portent en eux des leçons et un apprentissage. La force de caractère apporte plus de joies que le mensonge et l’hypocrisie, les sentences et punitions accablent des héros perdus dans leurs turpitudes.

tale of talesLes 3 récits partent de métaphores oniriques. La reine qui rêve d’enfanter est prête à tous les sacrifices pour obtenir satisfaction. L’idée fixe l’aveugle jusqu’au ridicule. La prédiction magique d’un rebouteux la pousse dans tous les excès. Cette scène gorissime où Salma Hayek dévore un coeur conquis de haute lutte par son défunt mari est à l’image du film. A la limite de l’obscène mais avec des visées très claires: l’excès est la règle et rien ne sera épargné au spectateur. Le second conte montre un roi aveuglé par une passion dévorante sacrifier sa fille en la cédant à un sauvage rustre et frustre. Le 3e conte montre un roi fasciné par une beauté artificielle et éphémère destinée à se faner. Les métaphores sont grotesques et simplistes, mais sans équivoque. Suivre trop loin ses penchants conduit à la perte et au malheur.

Tale of tales nueLes scènes chocs se multiplient et génèrent un malaise tangible. ToT n’est pas un film facile, familial et divertissant. Il ne connait aucune limite dans le mauvais gout, le gore et le ridicule. Et c’est ce qui fait son charme. Creuser inlassablement ce sillon sans s’en détourner est une gageure pour le réalisateur. Le film met mal à l’aise mais il m’a complètement convaincu. L’imaginaire fait loi, le conteur napolitaine faisait preuve d’une prodigalité inouie, abordant des sujets variés comme la duplicité, le sens du sacrifice, le sens de l’honneur et la fin des éspérances. Relire ces textes ne serait pas une mauvaise idée. Mais je ne sais pas si les lire à des jeunes enfants du XXIe siècle ne serait pas traumatisant…

Pas de pirouette finale et de « Il vécurent heureux… », tout le monde trinque et les miroirs aux alouettes cachent des déceptions crasses et cruelles. Un film très old fashioned, complètement pas en phase avec son époque et c’est ce qui fait son charme. Ce Tale of Tales est une immense réussite, le sentiment de malaise final en est une preuve éclatante.

 

La bande annonce :

…et en bonus un petit extrait (très) sulfureux !

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