Daniel Craig endosse une nouvelle (et dernière?) fois le costume de l’agent secret britannique devant la caméra de Sam Mendès. Il affronte son légendaire némesis, l’organisation criminelle Spectre. Une aventure débutée avec force et fracas avec Casino Royale s’autocaricature une fois de plus dans un opus poussif et tout juste honnête. N’en attend on pas un peu plus de ce bon vieux James Bond, espion jouisseur et mal éduqué, tête de turc de ses supérieurs mais toujours d’attaque pour sauver le monde?
Souvenez-vous, au siècle dernier, Spectre apparaissait nommément dans Opération Tonnerre (1965). Et l’on découvrait que l’organisation tirait les ficelles depuis Dr. No (1963) et Bons baisers de Russie (1964). Spectre réapparaissait dans On ne vit que deux fois (1967), Au service secret de sa majesté (1969), Les diamants sont éternels (1971) et Jamais plus jamais (1983). L’organisation à la recherche du profit, quitte à semer le chaos et la destruction, cherchait également la domination du monde tandis que les deux blocs menés par l’URSS et les USA s’affrontaient implacablement. Le seul super méchant des débuts a ne pas appartenir à l’organisation criminelle était Auric Goldfinger, tous les autres ennemis de Sean Connery et Georges Lazenby étaient liés à Spectre. Son leader, le mystérieux et maintenant légendaire Ernst Stravo Blofeld, apparaissait dans plusieurs épisodes, interprété par plusieurs acteurs différents.
Caricaturale organisation criminelle du temps jadis, Spectre était devenu un vestige du passé, un dinosaure de la guerre froide. Le Service pour l’espionnage, le contre-espionnage, le terrorisme, la rétorsion et l’extorsion n’était plus apparu depuis bien longtemps, laissant place à des ennemis individualisés, souvent russes, parfois nord-coréens et toujours psychopathes. Ce 24e épisode renoue avec le fil d’une histoire antédiluvienne. Idée forcément enthousiasmante mais finalement inaboutie, aux faux airs de Quantum of Solace. Mais n’anticipons pas et commençons par le commencement. L’introduction du film rappelle le début de Casino Royale. Une course poursuite au beau milieu de la fête des morts à Mexico. Mais loin d’égaler l’épisode à Madagascar, où Daniel Craig détruisait une ambassade après avoir obtenu son matricule 00, la poursuite est somme toute assez poussive. Le générique retentit et la chanson interprétée par Sam Smith n’emporte guère l’adhésion. Là où Adèle faisait frissonner avec son Skyfall, le chanteur britannique à la voix de castrat interpelle… il m’a personnellement rappelé la chanson de Duran Duran dans A view to a kill. Pas un mauvais James Bond mais le doute était permis.
Après l’épisode mexicain, James récupère une bague avec une mystérieuse inscription. Une sorte de pieuvre, croisement entre Batman et un poulpe, va orienter les recherches de James. Le voilà parti pour Rome où il rencontre pour 5 minutes chrono la vieillissante Monica Bellucci et aperçoit un mystérieux personnage, Franz Oberhauser. Détour par l’Autriche, James rencontre notre Léa Seydoux nationale qui, avec ses yeux de chat et son éternelle moue boudeuse, fait plus qu’agripper un James éternellement désemparé quand une belle poulette apparait. Puis la chaleur sèche de Tanger le fait rencontrer un Franz Oberhauser bien imprudent, comme toujours avec les méchants de James Bond. Ils lui racontent leur vie, déblatèrent sans cesse, n’arrêtent pas de jacasser sans comprendre que ça y est, ils peuvent lui tirer une balle entre les deux yeux, c’est le moment. Mais non… Puis retour à Londres. Au fur et à mesure de gunfights somme toute assez convenus, James apprend que tous ses ennemis récents depuis Le Chiffre jusqu’à Silva en passant par Dominic Green sont liés à Spectre. Quant à Oberhauser, sa véritable identité finira de semer le doute dans l’esprit de James.
Un mot me vient à l’esprit: décousu. Ce nouvel épisode entasse les briques sans maintenir le rythme. A trop agréger des parties disparates, il perd en efficacité. Une fois de plus, le méchant pourrait se débarrasser 15 fois de James mais il lui présente ses plans impunément avant de se faire évidemment court circuiter par un Bond jamais à court d’idées pour distribuer les bourre pifs. James est à chaque fois tout sauf secret, lumière brillant dans la nuit, et il parvient à déjouer les machinations sans sourciller. Caricature? Peut être un peu. Le pire étant ce puissant chef d’une organisation criminelle secrète et mondiale exposant ses plans tranquillement comme le dernier des imbéciles. Au bout de plusieurs turpitudes répétitives, je m’attendais à un dialogue du style « Et après on fera sauter le Kremlin comme dans MI4, et puis on embauchera un agent amnésique appelé Jason Bourne pour finalement récupérer un homme sur Mars ».
Christoph Waltz fait un méchant aussi peu crédible que Mathieu Amalric dans Solace. Là où il faisait plus que mouche dans Inglorious Basterds et Django Unchained, sa diction maniérée lasse, et comme il ne cesse de se faire rembarrer par l’impeccable James Bond, on finit par se dire qu’il est un vrai branque. Donald Pleasence, Telly Savalas ou Charles Gray étaient glaçants en Blofled, Waltz n’est que cabotin. Léa Seydoux a peut être trouvé un rôle à sa mesure avec cette prestation sans trop de dialogues et finalement assez accessoire. Daniel Craig fait le boulot habituel avec sa bouche en canard et son regard froid et glaçant. Il dégage comme toujours une impression de puissance digne de Harold Sakata dans Goldfinger. Massif mais pas forcément subtil.
La projection de Spectre lors de la soirée Omega récemment relatée sur Gentleman Moderne n’a pas emporté l’enthousiasme de la foule. Si voir un James Bond reste toujours un évènement immanquable, peu de commentaires positifs ont été perçus dans une foule plutôt dubitative. Comme si Sam Mendès voulait se débarrasser de ce trop encombrant fardeau. James Bond est une icône mondialement admirée, difficile de faire preuve d’imagination dans la mise en scène et le scénario. Les codes sont connus et même attendus. A trop les enfiler pour satisfaire la production, pas sûr que le grand Sam d’American Beauty, Jarhead et les Noces rebelles y ait trouvé son compte. Pour preuve, il abandonne la franchise pour revenir à un cinéma plus personnel.
Pour finir, je précise, cette critique est éminemment personnelle et subjective. Daniel Craig en James Bond m’a toujours aussi peu convaincu que Pierce Brosnan et je suis resté bloqué à la case Sean Connery époque Goldfinger. Reste que découvrir un nouveau James Bond a toujours ce je ne sais quoi de plaisir coupable qui surpasse toutes les déceptions du monde. Donc allez le découvrir, faites en vous une fête et profitez en bien. Le James Bond Thème créé par Monty Norman et orchestré par John Barry reste un plaisir à chaque fois renouvelé avec sa guitare rageuse et ses cuivres surpuissants. J’en frissonne à chaque fois. Rien que pour cela, allez vous faire plaisir!
Je suis bien content aussi de tourner la page Daniel Craig….
En espérant commencer bientot une nouvelle ère bien meilleur que les deux précédentes.