Toujours aussi parcimonieux dans sa production de films, Terrence Malick est de retour avec un Knight of Cups qui agite la toile depuis pas loin d’un an. Passé maitre dans l’art de l’ellipse et de la narration onirique, le texan creuse le sillon du tournage en totale liberté. Foin des scénarios paralysants et des directives avilissantes, Terrence donne carte blanche à ses acteurs pour les laisser déambuler devant sa caméra baladeuse. Mais Terrence n’en fait-il pas un peu trop?
Terrence Malick avait commis deux chefs d’oeuvres dans les années 70. La ballade sauvage et Les Moissons du Ciel ont bouleversé les foules avant que Terrence ne rentre en hibernation jusqu’en 1998. L’immense La ligne Rouge rappelait aux amnésiques son talent pour capturer les émotions et filmer une histoire forte. Réussite renouvelée avec Le Nouveau Monde en 2005 avant la controverse The Tree of Life en 2011. Sacré par la Palme d’Or cannoise, le film a déchainé les passions. Ode mystique surpuissante pour les uns, forfaiture caractérisée pour les autres, The Tree of Life n’a laissé personne indifférent. J’avoue avoir été perdu quand les dinosaures ont débarqué, je me retrouvais devant Jurassic Park, ça m’a déboussolé. Malick revoyait ses ambitions à la baisse en tentent la balade sirupeuse avec A la merveille. Vu 3 fois au cinéma, c’est peu dire que j’étais hypnotisé par les magnifiques Olga Kurylenko et Rachel McAdams.
Quand Knight of Cups a été annoncé avec son casting de fou, je n’en croyais pas mes yeux. Christian Bale, Cate Blanchett, Natalie Portman, Imogen Poots, la matière première promettait bien des choses. Mais voilà, Terrence Malick a perdu le scénario en route. Il approfondit la veine onirique de son oeuvre et se libère de toute contingence scénaristique. Toujours plus de mouvements de caméra tarabiscotés, toujours moins de dialogues, Terrence perd le mince fil rouge de la cohérence filmique. Christian Bale incarne un scénariste de talent à qui tout réussit. Libéré de toutes contraintes matérielles, il fréquente lla jet set et rencontre de sublimes créatures. Mais n’a t il pas perdu quelque chose en route? Le Knight of Cups est une carte du Tarot, le cavalier de coupes. Personnage ambivalent, qui se décourage facilement ou n’a pas la volonté de s’engager plus avant. Symbole également de l’ambiguité et de l’infidélité, c’est un personnage séducteur habitué des aventures amoureuses.
Pendant 2 heures de film, Rick passe de femmes en femmes dans un rythme décousu. Les dialogues sont dispensés au compte goutte avec une incessante narration faite de pensées égrenées au fil des évènements. Le film s’ouvre sur une comptine racontée par le père de Rick. Il était une fois un jeune prince que son père, le souverain du royaume d’Orient, avait envoyé en Egypte afin qu’il y trouve une perle. Lorsque le prince arriva, le peuple lui offrit une coup pour étancher sa soif. En buvant, le prince oublia q’il était fil de roi, il oublia sa quête et sombra dans un profond sommeil. En y repensant, cette introduction fait sens car le film est l’histoire d’un somnambule. La vie de Rick est remplie mais vide, il sourit et est triste, il s’attache mais souffre.
Mais n’est ce qu’une évocation de la vacuité de l’univers de strass hollywoodien où les activités se bornent à une ivresse perpétuelle et à un papillonnage inconséquent, une suite de fêtes avec des super riches et des poulettes perpétuellement disponibles? Le conte oriental actualisé est plus séduisant. Plongé dans un profond sommeil, Rick déambule et se laisse guider au gré des rencontres. L’alternance d’images de villas somptueuses au luxe indécent avec l’intense solitude du héros interpellent. Mais l’absence d’intrigue ou de fil scénaristique lasse. Le film requiert une patience à toutes épreuves pour ne pas sombrer dans le sommeil. La salle s’est lentement vidée au fur et à mesure du film. Si j’ai tenu jusqu’au bout, ça tient presque de la performance. Il faut l’avouer, le film est plombant et j’ai eu du mal à me passionner pour les aventures d’un jet-setter à bout de souffle.