Une nouvelle adaptation de Macbeth au Théâtre de l’Odéon, froide et engourdie

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Le chef d’oeuvre de Shakespeare ne cesse de titiller les metteurs en scène avec sa légendaire intrigue entre fantasmagorie et réalité. Macbeth illustre aussi bien le meilleur que le pire de l’être humain, général dévoué à son roi qu’une prophétie annoncée par 3 sorcières envoie sur le trône. Plutôt que de balayer sèchement la prédiction d’un revers de la main, il se laisse tenter et entame un cycle du sang qui sèmera la désolation dans le royaume d’Ecosse. La mise en scène de Stéphane Braunschweig prend le parti de la blancheur immaculée avec ses immenses murs de carrelage blanc faisant autant penser à une piscine municipale qu’à un bloc opératoire. Et si des intérieurs rococo mettent en rapport la froideur des manigances du blanc et les fastes du pouvoir avec ses dorures, ce n’est que pour mieux dénoncer la duplicité des gens de pouvoir. Les intentions sont bonnes mais la pièce séparée en deux actes peine à atteindre l’ampleur attendue, la faute à des seconds rôles mal exploités et à une folie du personnage principal fortement minimisée pour être simplement remplacée par une très moderne angoisse existentielle.

Macbeth, notre critique

Un classique de Shakespeare

Nombreux sont ceux qui se sont frottés au mythe du héros écossais régicide poussé par son épouse Lady Macbeth à commettre l’impardonnable pour finir rongé par la culpabilité et la paranoïa jusqu’à sa chute finale dans la folie et la mort. Orson Welles, Akira Kurosawa et Roman Polanski se sont frottés à la réalisation et Michael Fassbender a récemment interprété le tourmenté personnage. Métaphore de la folie du pouvoir et de tous ceux qui se laissent bercer par l’illusion des promesses faciles, Macbeth ne cesse d’interroger sur les rapports de l’homme à la tentation. Car même si ce sont trois sorcières qui prédisent à Macbeth son accession scélérate au trône, c’est bien à lui qu’appartient le choix de s’y conformer ou non. Mais Shakespeare n’hésite pas à introduire l’ingrédient décisif de la femme tentatrice chère à la métaphore biblique pour réinterpréter le mythe de la chute originelle.

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Une mise en scène surprenante

Rien dans la mise en scène de Stéphane Braunschweig n’évoque l’époque du XIe siècle dans laquelle se déroule l’intrigue originale pour une mise à distance assumée. Le carrelage blanc qui recouvre les murs symbolise autant la froideur que l’innocence, s’il n’était ces incessantes traces de sang rouge vif pour les maculer continuellement. Les dorures de la salle présidentielle rappellent les intérieurs élyséens faisant rapprocher le roi d’un président d’une république bien connue. Et le costume cravate du félon devenu roi donne au comédien Adama Diop des allures de dirigeant de dictature africaine. Les tenues militaires elles-mêmes accumulent treillis et décorations à la mode soviétique. La volonté du metteur en scène de situer l’action dans un temps contemporain achève de brouiller l’action shakespearienne pour la rapprocher de notre époque. Quelle est la différence entre un roi d’écosse et un président, telle semble être la question sous-jacente à la composition du metteur en scène.

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Le choix de l’angoisse psychologique de l’homme moderne

Le personnage de Macbeth n’est plus un seigneur féodal tiraillé entre superstitions et la folie, c’est un homme moderne cynique et calculateur dont l’objectif est de se défaire de ses rivaux pour asseoir sa légitimité. De fait de trahison, il s’agit surtout d’un complot échafaudé avec son épouse ambitieuse et passionnée. Car le couple Adama DIop et Chloé Réjon ne font que rebondir sur la prophétie des 3 sorcières pour assouvir leur ambition, donnant d’ailleurs aux 3 personnages féminins chimériques des accents archaïques et désuets. Plutôt que de faire appel à ses oracles antédiluviens, le metteur en scène n’aurait-il pas pu assumer son choix de modernité en les modernisant elles-mêmes? Le personnage de Macbeth prend toute la place sur scène, accumulant les saillies drolatiques et ironiques. Pendant toute la première partie de la pièce, les personnages secondaires sont transformés en faire-valoir pour prendre beaucoup plus de place dans la seconde partie, sans que leurs prestations soient bien marquées dans l’esprit des spectateurs. La faute sûrement à des costumes noirs tous ressemblants et à une différenciation volontairement floue, comme si le metteur en scène avait voulu tous les mettre sur un même pied d’égalité.

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Un décor insuffisamment animé

Le Théâtre de l’Odéon a récemment créé la surprise avec la maison tournoyante des 3 soeurs. Revenir à un immense mur blanc s’entrouvrant sporadiquement sur des intérieurs déçoit, surtout que les échanges manquent cruellement de profusion, rien à voir avec le mariage tragique d’Ivanov ou les superpositions des Particules élémentaires. Ce retour à un théâtre en deux dimensions interroge, la sobriété du décor et des échanges manque cruellement d’ampleur et c’est bien aux comédiens d’habiller le mieux possible l’intrigue pour la faire vivre et transporter les spectateurs. Les intentions sont là mais la réalisation peine à communiquer la passion et la folie que la pièce de Shakespeare recèle en son coeur. Transformer Macbeth en roi sans saveur, ce n’est peut être pas le choix le plus heureux de la pièce.

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Notre avis sur Macbeth à l’Odéon

Ce Macbeth se démarque des adaptations habituelles par son choix d’une modernité scénique originale qui ne parvient cependant pas à transmettre la folie du personnage. L’absence d’applaudissements du public à l’entracte est un signe, vouloir transformer la folie en névroses coupe des intentions de l’auteur et amoindrit la portée de l’oeuvre. Reste ce texte très bien restitué et cet acteur principal habité par son rôle.

Plus d’info ici sur le site de l’Odéon.

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1 COMMENTAIRE

  1. Macbeth à l’odéon c’est plus Chuck Berry jouant Bokassa 1er ou Amin Dada roi d’Ecosse avec Shakespeare donnant son avis sur le Brexit….surprenant, non? mais bon… c’est encore une fois du théâtre subventionné bidouillant de vielles pièces pour les coller de force à une actualité toujours orientée.

Répondre à Rigaudeau Claude Annuler la réponse

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