Les Césars, debrief, humeurs et badminton

cesar 2015

Voilà maintenant 40 ans que les César célèbrent le cinéma français dans une ambiance de fête et d’allégresse. Les porteurs du précieux sésame ont pris place au théâtre du Châtelet et arborent leurs plus beaux sourires de circonstance, se forçant à poser devant les caméras afin de contribuer à une ambiance d’auto-célébration un peu caricaturale. Les mines extatiques et souriantes vont défiler 4 heures durant… 4h, oui, une soirée bien commencée a vite eu des airs de long calvaire. Même les smokings et les robes de soirée ont fait grise mine sur les coups de 00h24. Le gotha du cinema français a vaillamment affronté les discours interminables comme de profonds coups de poignards, mais à quel prix? La majorité des spectateurs vissés devant leurs téléviseurs ont certainement abandonné leur poste avant la récompense finale. Timbuktu a triomphé, Les Combattants a surpris, les autres n’ont eu que des miettes. Compte rendu subjectif et de mauvaise foi d’une soirée qui a failli avoir notre peau.

Petit préambule sous forme de question existentielle. Les César, c’est bien joli, mais qui décerne les récompenses? Leur attribution sent la magouille vu l’opacité étonnante qui entoure les votes. Qui compose le collège de votants? A qui doit on envoyer l’oseille pour s’arroger forfaitairement un droit de vote? Combien de zéros sur le chèque? Certains votes sont-ils plus valorisés que d’autres? On ne sait rien, on nous ment, ça sent le bourrage d’urnes. Les soupçons d’une main invisible ou d’un complot extraterrestre diligenté par la CIA ou le KGB font partie des grands mythes contemporains. Qui vote? Pas moi, malheureusement. Mais revenons sur cette très looooongue soirée.

abaca488705138jpgEdouard Baer accueille les millions de spectateurs avec son air débonnaire habituel, des calembours bien sentis et une décontraction qui désacralise un évènement toujours un peu forcé. Pas sûr que les acteurs et actrices fêtent Noel ensemble tous les ans, leur présence sur les bancs du Châtelet doit comporter une bonne dose de prise sur soi. On imagine les remarques. « Regarde la Marion, t’as vu sa robe, on dirait un volant de Badminton », « Il fait la tronche Gaspard, je suis sûr qu’il aimerait bien bifler Pierre Niney avec son gros engin », « Pas très drôle ce sketch, vivement le champagne au Fouquet’s », « Quoi, déjà minuit et il reste 6 récompenses à discerner, gimme a break ». Ambiance ambiance, les sourires convenus ne trompent personne.

La liste des films nominés a de la gueule, reflet d’une belle année cinéma 2014. Ne restait plus qu’à récompenser les bons films. Les deux Saint Laurent, Sils Maria, Timbuktu, Hippocrate ou Eastern Boys méritaient de triompher. Les combattants pouvait créer la surprise, La famille Bélier représentait un cinéma populaire trop souvent snobé par des votants rassasiés de caviar. D’ailleurs, ce bel anniversaire du cinéma français coïncidait avec une année 2014 que l’on peut qualifier de très bon cru niveau qualité et de record niveau fréquentation. 3e meilleure année après 1967 et 2011, 208 millions de spectateurs ne peuvent pas avoir tort. Qu’est-ce qu’on a fait au bon Dieu, Supercondriaque, Lucy et la famille Bélier ont accumulé les tickets d’entrée, seul ce dernier participe aux César, typique…

Le président de Cérémonie Dany Boon offre un discours d’ouverture mi-figue mi-raisin et c’est parti pour le show.

Temps forts:

Premier accroc de la soirée, Louane Emera chipe la récompense de révélation féminine au nez et à la barbe des actrices de Respire. Son discours touchant la sauve (un peu) de l’opprobre publique. Si participer à un télécrochet assure une récompense aux César, où va t-on? Sa prestation d’actrice était objectivement un peu juste comparé à celles des Joséphine Japy ou Lou de Laâge, autrement plus convaincantes

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Puis a commencé le show Timbuktu. 7 récompenses, c’est loin d’être démérité tant le film est d’une actualité criante et d’un dépouillement admirable. L’histoire d’un village près de Tombouctou tombé sous la coupe d’une bande islamistes émeut et interpelle. L’absence de liberté, la folie des hommes, l’ostracisme d’une petite clique d’extrémistes menés par des chefs corrompus, tous les ingrédients d’un favori aux Césars ont touché les votants. Mais décerner le prix du meilleur réalisateur et du meilleur film à un même opus, c’est une bien mauvaise habitude prise depuis de longues années… 

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Keda Rateb a remporté le prix du meilleur second rôle pour sa prestation dans l’excellent Hippocrate. Mérité 100 fois. Cet acteur est un pivot de la nouvelle scène française et il multiplie les films. Satisfaction.

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Pierre Niney a terrassé Gaspard Ulliel, le petit communiant a remporté le prix du meilleur acteur face au plus sulfureux et donc moins conformiste interprète de Saint-Laurent. La mafia de la Comédie Française a encore frappé. Après Gallienne l’année dernière, ça fait un peu suspect… les images de ce dernier en pleurs dans les coulisses pendant que son collègue triomphe ont fini d’émouvoir dans les chaumières.

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Le moment fort de la soirée: le discours de remise de prix de Marion Cotillard pour le César d’honneur de Sean Penn. Interminable, éculé, dispensable, les pauses pipi ont du se multiplier pendant une diarhée verbale assez comique. A vouloir se faire trop exhaustive, Marion a contribué à sa réputation, bien malgré elle. Pas sûr de la revoir sur scène avant longtemps.

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Sils Maria méritait une ou plusieurs récompenses majeures. Ce film ambitieux et non conventionnel se contente du meilleur second rôle féminin pour une Kristen Stewart bizarrement surex sur scène. Abus de substances euphorisantes? Le mystère reste entier… mais ni le film, ni le réalisateur ni Juliette Binoche n’ont été couronnés. C’est triste…

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Meilleur film étranger pour le très bon Mommy, mais rien pour l’exceptionnel Boyhood… il faut un jury français pour se vautrer dans tant d’incohérence.

Meilleur costume pour Saint Laurent. Et c’est tout. On frise l’apoplexie…

2 prix pour les Combattants. Bon, je n’ai pas compris l’engouement autour de ce film, ça sent l’hypnose collective. Mais pourquoi pas, les jeunes triomphent, c’est un bon signal, complètement non critiquable

Voilà, le cinéma français s’est bien amusé, et s’est bien ennuyé après 23h45. Des longueurs incompréhensibles ont miné une soirée qui partait sur de bonnes bases. Peut être faudra-t-il instituer une limite pour les discours comme pour les Oscars afin d’éviter des remerciements fleuves qui n’intéressent personne. « Et je remercie mon Chihuahua, Choupette, ce prix est pour toi ». A l’instar du récent Abdellatif Kechiche, Abderrahmane Sissako triomphe et c’est toute l’Afrique qui est mise à l’honneur. C’est un beau symbole en ces temps troublés. Et c’est complètement objectif.

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