WILD – LE moment cinématographique de ce début d’année

Wild critique film

La critique du film Wild de Jean-Marc Vallée avec Reese Witherspoon. Surprenant et  inattendu, un grand moment d’émotion.

L’action Jean-Marc Vallée monte en flèche à la bourse du cinéma, et avec elle tout le cinéma canadien en profite pour se mettre sous les feux des projecteurs. Les réalisateurs canadiens marchent sur l’eau depuis une décennie, et il n’y a qu’à voir l’œuvre d’un Denis Villeneuve pour s’en convaincre. De plus en plus prisé par les stars hollywoodiennes, ce dernier s’est imposé après un premier opus Incendies resté gravé dans toutes les mémoires. Un douloureux You and whose army de Radiohead illustrait parfaitement une ambiance de fin du monde et de renaissance.  Jake Gyllenhaal dans Enemy et Hugh Jackman dans Prisoners ont eux aussi relevé le défi de l’exigence en livrant des prestations fabuleuses. JMV épaissit quant à lui sa filmographie de longs métrages tout simplement mémorables. Dallas Buyers Club fut une révélation pour ceux qui n’avaient pas pris conscience de l’ascension fulgurante de Matthew McConaughey depuis Killer Joe ou Paperboy. Après un C.R.A.Z.Y. à l’ambiance enivrante en 2005 (Ah… ce Shine on You, ce Space Oddity, ce White Rabbit… magiques !), JMV marque le cinéma de son empreinte. Ce Wild ne dépareillera pas dans cette filmographie de plus en plus majeure.

wild__witherspoonLe retour à la nature, le retour aux sources, l’abandon, le lâcher-prise sont des notions prisées dans le cinéma contemporain. « When you got nothing, you got nothing to lose », chantait Bob Dylan, et ceux qui touchent le fond profitent souvent de Dame Nature pour trouver le rebond. Into the Wild expérimentait ce principe avec un héros à la soif innée de découvertes, 127 heures aussi à sa manière. Wild creuse le sillon de la renaissance par l’effort et le recentrage sur l’essentiel. L’excellentissime Reese Witherspoon s’essaye à la rigueur cinématographique en interprétant Cheryl, jeune femme déboussolée et en route vers l’abime. Pour faire le point sur son existence et se reconstruire, elle se lance dans un périple de 1700 kilomètres, du Mexique au Canada, le long de la côté californienne. Le treck est une épreuve féroce, elle veut prouver à ses proches ainsi qu’à elle-même qu’elle peut surmonter les obstacles, métaphore à peine voilée de la renaissance intérieure.

Petit brin de femme au physique loin des canons de l’Iron Man, Cheryl s’équipe pour une odyssée personnelle et une quête de soi-même. Assaillie de doutes, confrontée à la faiblesse naturelle de ses moyens physiques limités, elle décide d’incessamment poursuivre son chemin. Au fur et à mesure qu’elle avale les kilomètres, les pensées l’assaillent. Elle fait le point sur son existence et le spectateur découvre par petites tranches le récit de sa vie. Un père alcoolique, une mère courage trop tôt disparue, un mariage raté, une plongée dans l’enfer de la drogue, l’enivrement illusoire des rapports physiques répétés, sa volonté s’est abimée sur le mur de la réalité. Pour ne pas abandonner et stopper  sa chute irrémédiable, elle prend le taureau par les cornes. Assainir le corps pour assainir l’esprit. Ce trecking insensé est sa cure de désintoxication. Connaître l’épreuve d’une falaise trop haute permet de mettre en perspective tous les obstacles du quotidien. Se confronter à la chaleur extrême et à une soif inextinguible permettent de réaliser le bonheur d’une simple douche.

Reese Witherspoon as "Cheryl Strayed" in WILD.

Reese donne de sa personne et se livre corps et âmes pour rendre son personnage crédible. Elle ne cache rien et donne une profondeur universelle à cette femme particulière. Matthew McConaughey l’a fait, Christian Bale et Jake Gyllenhaal aussi, cette tendance très américaine d’aller tout au bout du jeu d’acteurs force le respect et aboutit souvent à des films inoubliables. Pour se forger une crédibilité, l’acteur américain est prêt à se mettre à nu. Cette tendance peut à l’occasion sentir le coup de pub. Reste au réalisateur à en tirer le meilleur, JMV y parvient ici sans mal. Le résultat est émouvant, sans voyeurisme mais avec au contraire beaucoup de pudeur. Le personnage de Cheryl fait ressentir une proximité dans la souffrance. Ses douleurs sont les nôtres et l’empathie est immédiate. Le spectateur partage la rémission en marche et se réjouit de la résurrection d’une ex-junkie cabossée par la vie.

JMV raconte une histoire américaine, remplie de symboles et d’allusions aux grands mythes. Les espaces sont gigantesques, les ravins sont profonds, le bigger than life est omniprésent. Pour accompagner cette aventure, JMV puise dans la musique populaire avec bonheur. Shangri la’s, Portishead, Leonard Cohen, toutes les musiques choisies apportent une touche d’authenticité à l’adaptation des mémoires de la véritable Cheryl Strayed. Wild est pour moi LE moment cinématographique de ce début d’année 2015. Surprenant et  inattendu,Wild est un grand moment d’émotion. En illustrant la phrase d’Emily Dickinson « Si ta volonté te lâche, dépasse ta volonté », Wild donne une belle leçon de courage.

La bande annonce :

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