Une Mouette rock’n’roll électrise la salle de l’Odéon

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Le Théâtre de l’Odéon enchaine les pièces du grand auteur russe Anton Tchekhov depuis plusieurs saisons. Après les 5h tigresques de Platonov et la prestation hallucinée de Micha Lescot dans Ivanov, c’est au tour du classique des classiques La Mouette d’être porté sur scène. Pour un voyage entre avant garde et classicisme en compagnie d’une jeune troupe pleine d’énergie. L’ambiance est résolument Rock’n’Roll pour une adaptation voguant entre liberté et respect du texte.

Critique de La Mouette au Théâtre de l’Odéon

La Mouette a passé l’examen de la postérité mais peu se souviennent que la pièce fut d’abord très mal accueillie, échec cuisant pour un auteur resté philosophe: J’écris ma pièce non sans plaisir, même si je vais à l’encontre de toutes les lois dramaturgiques. Devenue un morceau de bravoure du répertoire théâtral mondial, la comédie invoque les éternels thèmes de l’amour et de l’art avec des personnages tragiques et abattus devant un destin brutalement contraire. Les deux jeunes personnages Konstantin et Nina mettent tout en oeuvre pour percer dans le théâtre. La pièce insiste sur les tourments de personnages qui veulent à tout prix se réaliser, connaitre l’amour, défaire l’adversité mais qui restent finalement à quai. Leurs choix les laissent insatisfaits, les opportunités s’effacent devant les contingences et seule subsiste la souffrance suite à l’abandon de leurs ambitions. Le dénouement est tragique, forcément, comme souvent chez Tchekhov, reflet insondable de cette âme slave romantique et tourmentée.

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La mise en scène de Thomas Ostermeier est une reprise d’un spectacle déjà porté au théâtre à Amsterdam. La pièce se distingue en deux parties résolument dissemblables, comme les deux pôles d’une même réalité. Si le préambule fait la part belle à la liberté et à la folie de la jeunesse, la seconde moitié colle au classicisme d’une pièce crée en 1896. Au commencement est l’improvisation. Deux jeunes acteurs accueillent l’audience au son du Rock’n’Roll Suicide de David Bowie. Les notes de guitare sont délicatement égrenées pour un morceau qui débute dans le calme pour aller crescendo jusqu’à l’acmé final. Gimme your hands cause you’re wonderful chantait Bowie sur la scène de l’Hammersmith Odéon de Londres en 1973 tandis qu’il suicidait son Ziggy Stardust. Deux narrateurs viennent donner les règles de la pièce, règles qui ne cesseront d’être bafouées avec une ironie mordante. Pas de nu, pas de laïus en langue étrangère, pas de tous ces artifices qui polluent le théâtre contemporain.

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Pourtant, ce ne sont que des mots et les acteurs ne cesseront de contredire ces règles, avec humour et lucidité. Si des apartés polémiques font rire certains et polluent résolument l’argument de la pièce (le 49.3 n’a pas sa place au théâtre…), les deux tourtereaux arrivent pour présenter une mise en abime du théâtre. Konstantin créé une pièce avant gardiste qui donne des sueurs froides à un public mal à l’aise. Chacun s’imagine assister à 2h20 de théâtre contemporain… Pour ceux qui ont vu récemment L’Orestie joué dans ces murs, le souvenir est cuisant… Mais c’est une pièce dans la pièce, à prendre avec tout le recul nécessaire sans perdre patience comme certains spectateurs quittant trop brusquement la salle. La mise en scène en devient burlesque quand Konstantin se tient comme un Christ en croix, baragouinant des phrases sans consistance devant une Nina hallucinée.

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Le classicisme revient dans un galop salvateur après les critiques peu amènes des proches. Tandis que le mur du fond est peint en temps réel à grands coups de rouleaux noirs, des morceaux rock parsèment l’action. Les Doors beaucoup et Jimi Hendrix séparent les différentes parties tandis que les deux héros perdent leurs illusions en se confrontant au monde. Adieu les ambitions artistiques et les rêves de lendemains à deux heureux. Tchekhov n’est pas connu pour ménager ses héros, il leur fait subir avanies et désillusions, comme autant d’avertissements devant les fantasmes aberrants. Les acteurs apportent des meubles sur la scène et aucune forme n’est visible. Le lac est une illusion, les pièces n’ont pas de limites, les personnages entrent et sortent comme dans un moulin. La mère actrice célèbre, l’écrivain roublard, tous ajoutent une pierre au cou des deux héros. La pièce se finit avec les notes de The End, comme pour assurer qu’il n’y a pas d’issue…

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La pièce est ambitieuse, la mise en scène laisse suffisamment de place à l’imagination pour ouvrir une infinité de portes. Peut être manque-t-il le charisme d’un acteur reconnu pour porter la pièce et lui faire atteindre la stratosphère. Nina est malheureuse comme Micha Lescot était mal dans Ivanov, mais sans apporter la même profondeur de jeu. L’enthousiasme de la salle est palpable quand sonne la fin, reste le sentiment d’avoir assisté à un moment de théâtre enthousiasmant mais qui aurait pu avoir une dose de plus d’ambition.

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Conclusion

La pièce est ambitieuse, la mise en scène laisse suffisamment de place à l’imagination pour ouvrir une infinité de portes. Peut être manque-t-il le charisme d’un acteur reconnu pour porter La Mouette et lui faire atteindre la stratosphère. Nina est malheureuse comme Micha Lescot était mal dans Ivanov, mais sans apporter la même profondeur de jeu. L’enthousiasme de la salle est palpable quand sonne la fin, reste le sentiment d’avoir assisté à un moment de théâtre enthousiasmant mais qui aurait pu avoir une dose de plus d’ambition.

Information : http://www.theatre-odeon.eu/fr/2015-2016/spectacles/la-mouette

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